Licenciement suite à la dénonciation d’un harcèlement : qui doit prouver quoi ?
Lorsque le salarié conteste son licenciement et prétend qu’il fait suite à sa dénonciation du harcèlement dont il se dit victime : qui doit prouver quoi ?
I – Le principe de la preuve
Le principe en matière civile
De manière générale en procédure civile, chaque partie doit prouver les faits qu’elle allègue et le bien-fondé de ses demandes. C’est donc généralement au demandeur de prouver les faits à l’origine de ses demandes devant les juridictions.
En droit, il existe toujours des exceptions.
Le principe en droit du travail
Bien qu’il intervienne souvent en demande, le salarié est la partie faible du procès. Son obligation de prouver le bien-fondé de ses demandes est donc allégée et facilitée.
A titre d’exemple : le salarié pourra se contenter de produire un tableau des heures supplémentaires réalisées non payées. L’employeur, devant contrôler la durée du travail, devra prouver que ces heures pas été réalisées ou qu’il les avait refusées.
Lorsque le salarié est licencié pour une faute simple, la charge de la preuve est répartie entre le salarié et l’employeur. Alors qu’en cas de licenciement pour faute grave, il appartient à l’employeur de prouver la faute grave. Evidemment, en pratique, le salarié va toujours tenter de démontrer qu’il n’a pas commis de faute grave.
II – La charge de la preuve en cas de licenciement après dénonciation de harcèlement
La preuve en matière de harcèlement
Il appartient au salarié de fournir des éléments suffisamment précis et concordants laissant penser (rendant vraisemblable) qu’il a été victime de harcèlement. Il n’aura donc pas à prouver de manière définitive et incontestable la matérialité du harcèlement subi. L’employeur devra ensuite démontrer que les faits reprochés ne sont pas constitutifs de harcèlement.
La preuve en cas de licenciement après la dénonciation du harcèlement
Lorsque le salarié prétend qu’il a été licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement, la charge de la preuve est aménagée et dépend du caractère bien-fondé ou non du licenciement.
Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse : il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à la dénonciation antérieure de faits de harcèlement. C’est donc au salarié de prouver ce lien entre sa dénonciation des faits de harcèlement et le licenciement.
Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement ne caractérisent pas une cause réelle et sérieuse : il appartient à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation des agissements de harcèlement et le licenciement.
C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 6 novembre 2024 (RG n°22-23.886).
Dans cette affaire, la Cour d’appel avait rejeté la demande de nullité du licenciement présentée par la salariée (si le licenciement intervient dans un contexte de harcèlement moral, il est nul), qui considérait faire l’objet d’une mesure de rétorsion suite à sa dénonciation du harcèlement moral dont elle se disait victime.
Les juges d’appel avaient considéré que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse. Pourtant, ils ont retenu que la salariée n’apportait pas la preuve du harcèlement dont elle se disait victime. Au regard de cette motivation, ils ont donc débouté la salariée de sa demande de nullité du licenciement en inversant la charge de la preuve.
La Cour de cassation censure donc les juges d’appel « en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu’elle retenait que le licenciement prononcé n’était pas justifié par l’existence d’une cause réelle et sérieuse, de sorte qu’il appartenait à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la dénonciation par la salariée de faits de harcèlement moral et le licenciement prononcé, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Crédit photo @bahhodh via canva.com
Une question, un besoin ? Je vous accompagne
- L’audit de votre politique et de vos pratiques RH et de vos contrats, notes internes, règlements intérieurs, etc.
- La mise en place des bonnes pratiques pour assurer une politique RH efficace,
- La rédaction ou la mise en conformité de vos contrats de travail, accords, règlements intérieurs,
- La gestion de vos précontentieux et contentieux et j’assure votre assistance ou représentation en justice.